Petite interruption dans le cours de notre histoire sur Eric Broadley et la Lola T70, afin de vous présenter une petite merveille cinématographique. Bien des films ont été réalisés sur Ferrari (« Ferrai 50 years in Formula one« , le fameux « C’était un rendez-vous » de Claude Lelouch qui a été filmé au volant d’une… Mercedes, etc.) mais peu sur le personnage lui-même. Heureusement, un italien du nom de Carlo Carlei a comblé ce manque et a réalisé ce chef d’oeuvre d’une durée de trois heures consacré entièrement à l’homme que fut Enzo Ferrari, sa vie, ses relations avec les différentes personnes qu’il connut, qu’elles soient de son entourage proche ou plus lointain.
Ferrari fut un personnage atypique, se définissant toujours comme un homme d’orchestre plutôt qu’un technicien voir un ingénieur. Ce n’est pas totalement exact, mais il eut l’intelligence de s’entourer des meilleurs collaborateurs. Né avec l’automobile ou presque, pilote chez CMN après avoir vainement tenté de se faire embaucher chez Fiat, il sut pendant de l’entre deux-guerres imposer Alfa Romeo sur la scène des courses internationales, jusqu’à ce qu’un petit dictateur moustachu ne mette les moyens. Alfa Romeo mettant fin à ses services, il créa une première voiture ne portant pas son nom, jusqu’à ce que la guerre n’éclate. Je vous épargne le reste, je vous propose plutôt de découvrir ce que fut Ferrari intime et c’est justement l’attraît principal de ce film.
Ferrari déclare dans sa biographie « le seul véritable amour d’un homme puisse éprouver est pour son fils. Les femmes ne sont que l’objet du désir« . Cela résume d’une certaine manière la vie de celui qui fut le commendatore. Le première femme de Ferrari, Laura Garello, donna naissance à son premier fils, Alfredino « Dino » qui fut atteint d’une maladie génétique, la myopathie de Duchenne. En dépit des efforts et soins attentifs de son père, Dino, qui fut l’objet d’une affection toute particulière, décéda en 1956 à l’âge de 24 ans. Il est souvent affirmé que Dino conçut avant sa mort le moteur V6 qui permit de remporter le championnat du monde de F1 édition 1961. Personne n’est vraiment d’accord à ce sujet, mais toujours est-il que pour honorer sa mémoire, différentes voitures équipées de ce bloc furent baptisées Dino, qu’elles soient Ferrari ou Fiat par ailleurs.La disparition de Dino entraîna une rupture entre Ferrari et sa femme, cette dernière ne parvint jamais à se remettre de la mort de son fils. Toujours est-il que Ferrari et Laura Garello se séparèrent, Ferrari alla alors s’installer dans l’usine et se lança à corps perdu dans le travail.
Laura Garello, bien que d’un caractère trempé, eut la douleur de vivre toute sa vie dans l’ombre, tout en se sachant ouvertement trompée. Les premières disputes conjugales éclatèrent dès que Ferrari parcoura les différents circuits de compétition, la naissance de son premier fils en janvier 1932 fut l’occasion d’une autre escarmouche, à l’issue de laquelle il promit à sa femme, pour qu’elle ne quitte pas le foyer, d’arrêter la conduite en compétition. Malheureusement pour elle, la situation alla de mal en pis, car le futur commendatore étant fréquemment absent, elle se retrouvait seule et inoccupée. Et Ferrari fit la connaissance d’une jeune femme alors qu’il était déjà marié et père. Cette femme, qu’il alla voir chaque soir ou presque pendant des années, lui donna un deuxième fils, Pietro, qui naquit en 1945. Ce dernier fit une sorte d’apprentissage avec un des plus vieux compagnons de Ferrari, du temps ou la Scuderia se dévouait corps et âme à Alfa Romeo, Federico Giberti. C’est durant cette initiation à la mécanique que Laura Garello rencontra Pietro dans l’usine, la légende veut qu’elle l’ait reconnu immédiatement en raison des traits de visage communs à ceux d’Enzo Ferrari.
Tous les habitants de Modène savaient parfaitement ce qu’il en était de la situation familiale de Ferrari, maire, fonctionnaires et administration compris, mais personne n’y trouva jamais rien à redire. Laura Garello décéda, Ferrari attendit deux ans avant de se mettre en couple avec celle qui avait été sa maîtresse, reconnut son deuxième fils, lequel débuta réellement sa carrière au sein de l’entreprise créée par son père pendant les années Niki Lauda.
Enzo Ferrari, le film, de Carlo Carlei, avec Sergio Castellitto, Ed Stoppard et Jessica Brooks. Disponible sur amazon.fr